Le restaurant Tarbouch est un endroit spacieux et convivial que Carla avait réservé spécialement pour accueillir les 250 collaborateurs. Elle avait même pris soin de prévoir des hôtesses et des serveurs supplémentaires pour gérer la soirée. L’équipe se rendit au restaurant dans une atmosphère de fête, et la soirée battit son plein.
Les rires et les conversations se mêlaient à la musique entraînante, créant une ambiance chaleureuse. Jad, bien que content de l’atmosphère festive, ne pouvait s’empêcher de ressentir une sourde jalousie en voyant Nour entourée de collègues. Particulièrement, il remarqua comment elle riait et discutait joyeusement avec Sami, partageant des anecdotes et échangeant des plaisanteries. Leurs rires résonnaient dans l’air, et chaque éclat de voix de Nour semblait être une petite flèche qui le touchait directement.
Jad essaya de se concentrer sur la conversation avec ses autres collègues, mais ses yeux revenaient toujours vers Nour. Elle était belle ce soir-là, rayonnante dans sa robe élégante. Sa présence illuminait la pièce, et chaque sourire qu’elle adressait à Sami lui donnait un goût amer. En réponse à cette douleur, Jad prit un verre de vin et le vida rapidement, pensant que cela apaiserait son agitation intérieure.
Les verres se succédaient, et au fur et à mesure que l’alcool circulait dans son système, il devenait plus audacieux dans ses pensées. Pourquoi avait-elle l’air si proche de Sami ? Il aurait voulu aller vers elle, l’inviter à danser, mais la jalousie le retenait. Au lieu de cela, il se contentait d’observer, de la voir sourire et se pencher légèrement vers Sami lorsqu’il faisait une blague, créant une connexion qui le rongeait.
Jad se leva finalement, prétextant aller aux toilettes, mais en réalité, il cherchait à se ressaisir. Dans les couloirs du restaurant, il prit une profonde inspiration, tentant de calmer son cœur battant. La dernière chose qu’il voulait, c’était laisser ses émotions prendre le dessus. Mais alors qu’il revenait vers la salle principale, il remarqua que Nour venait de rire à une blague de Sami, et quelque chose se brisa à l’intérieur de lui.
Il ne pouvait pas continuer à vivre cette situation. La promesse qu'il s'était faite de ne pas la déranger pesait lourdement sur ses épaules, mais l’envie de lui parler, de lui dire ce qu’il ressentait devenait de plus en plus difficile à ignorer.
Avec un nouveau verre à la main, il décida de se rapprocher d'eux. Au fur et à mesure qu'il avançait, il se sentait partagé entre l'excitation et l'anxiété. Qu'allait-il dire ? Il ne voulait pas créer une scène, mais il ne pouvait pas non plus rester silencieux face à cette complicité évidente entre Nour et Sami.
Il s'approcha d'eux, prenant une profonde inspiration.
— « Salut, vous deux, » lança-t-il, feignant l'insouciance. « Qu'est-ce qui est si drôle ? »
Nour se tourna vers lui, son sourire s'élargissant.
— « Juste Sami qui raconte ses dernières mésaventures au bureau ! »
Sami en profita pour enchérir :
— « Oh oui, tu sais que j’ai toujours un bon dossier d’histoires ridicules à partager. Mais je suis sûr que tu préfères entendre des choses plus sérieuses, n’est-ce pas, Jad ? »
Jad sentit une bouffée d'agacement, mais il répondit avec un sourire crispé :
— « Oui, bien sûr. Les histoires d'horreur au bureau sont toujours mes préférées. »
Nour ne semblait pas avoir remarqué son irritation, mais chaque mot qu'elle échangeait avec Sami faisait grandir en lui une frustration sourde.
Dans un moment d'imprudence, Jad murmura à Nour, d’un ton qui ne laissait place à aucune interprétation :
— « C’est vrai que tu es douée pour distraire les gens, mais je suppose que c’est normal après avoir passé une nuit à charmer quelqu'un, non ? »
Les yeux de Nour s’écarquillèrent sous le choc de sa remarque. Elle se retourna lentement vers lui, son expression passant de la surprise à une colère contenue.
— « Jad, c’est vraiment pas le moment pour ce genre de blagues. »
Elle le fixa avec une intensité qui ne laissait aucun doute sur son mécontentement.
— « Si tu as quelque chose à me dire, faisons-le à l’extérieur. »
Sans attendre sa réponse, elle prit la direction de la sortie, ouvrant la porte du restaurant d’un geste déterminé. Jad, conscient d’avoir franchi une ligne, la suivit dehors, le cœur battant la chamade.
L’air frais du soir l’accueillit, mais son estomac était noué par la nervosité. Il savait qu’il devait s’expliquer et, espérait-il, retrouver le lien qu’il avait avec elle avant que ses mots ne viennent tout gâcher.
À l’extérieur, l’atmosphère était électrique. Nour, avec un mélange de colère et de déception, se tourna vers Jad, ses yeux lançant des éclairs.
— « Qu'est-ce qui t’a pris de dire une chose pareille ? » s'écria-t-elle, sa voix tremblant d’émotion. « Tu te moques de moi ? »
Jad, désarmé par la colère de Nour, ne savait pas quoi dire.
— « Écoute, je ne pensais pas que ça te toucherait autant… » tenta-t-il d’expliquer.
— « Ça te paraît drôle ? » lança-t-elle avec dédain. « Tu penses vraiment que je vais laisser passer ça sans rien dire ? »
Les mots échangés devinrent de plus en plus aigus, chacun nourrissant la frustration de l'autre.
— « Tu es en train de tout gâcher, Jad ! » cria-t-elle. « Tu n’as pas le droit de me traiter comme ça, comme si notre passé était un sujet de blague ! »
Dans un moment de pure exaspération, elle leva la main et lui administra une gifle cinglante. Le bruit retentit dans le silence de la nuit, comme un coup de tonnerre. Jad se figea, la main sur sa joue, surpris par l’intensité de sa réaction. La douleur ne venait pas seulement du choc physique, mais de la prise de conscience de ce qu’il venait de provoquer.
Soudain, dans un élan qu’il ne contrôla pas, Jad fit un pas en avant, prit Nour dans ses bras et, sans réfléchir, posa ses lèvres sur les siennes. Surprise, elle voulut le repousser, mais sa propre colère s’évapora un instant, laissant place à une réponse instinctive. Elle répondit brièvement à son baiser, avant de reprendre conscience de la situation.
Avec une force mêlée de colère et de confusion, Nour le repoussa violemment, reculant d’un pas, avant de lever à nouveau la main pour lui administrer une seconde gifle, encore plus forte que la première. Cette fois, le silence entre eux fut lourd et chargé d’une tension presque palpable.
Jad, encore sous le choc de ce double coup, la fixa, incapable de dire un mot. Nour, les joues rougies de colère et d’émotion, respira profondément pour tenter de retrouver son calme.
Elle s’approcha lentement, son souffle encore irrégulier, et posa doucement sa main sur la joue de Jad, là où elle l’avait frappé.
— « Je suis désolée, » murmura-t-elle, sa voix vacillant entre regret et émotion. « Je n’aurais pas dû… »
Jad, surpris par ce geste, croisa son regard. Pendant un instant, il sentit le poids de ses propres erreurs.
— « Non, c’est moi qui suis désolé, » souffla-t-il finalement. « Je n’aurais jamais dû dire ça. Je me suis comporté comme un idiot. »
Un silence chargé de tension s’installa. Nour laissait sa main sur la joue de Jad, un geste à la fois d’apaisement et de connexion. Et doucement, presque inconsciemment, Jad leva sa main pour la poser sur celle de Nour. Leurs doigts se touchèrent, une brève étincelle dans le tumulte.
Le moment aurait pu durer plus longtemps, mais la porte du restaurant s’ouvrit brusquement. Sami apparut, visiblement préoccupé.
— « Nour, tu es là ? » lança-t-il, coupant l’atmosphère.
Surpris, Jad et Nour retirèrent leurs mains précipitamment, visiblement déstabilisés. Elle détourna le regard, réajustant son ton.
— « Oui, tout va bien, » répondit-elle rapidement. « On discutait juste. »
Sami plissa les yeux, cherchant à comprendre la dynamique entre les deux.
— « Tu es sûre ? » demanda-t-il, un léger froncement de sourcils trahissant son inquiétude.
— « Oui, vraiment, » répliqua Nour en lui adressant un sourire apaisant. « Mais je te remercie d’être venu. Je pense que nous allons rentrer. »
Jad, toujours sur le qui-vive, observait la scène avec une pointe de jalousie, son cœur se serrant à l’idée que Sami soit si proche d’elle. Incapable de contenir ses émotions, il laissa échapper, à voix basse, une remarque mordante :
— « Mais de quoi il se mêle… »
Nour tourna immédiatement la tête vers lui, lui lançant un regard perçant, comme pour lui signaler que ce n’était ni le moment ni le lieu. Sami, ayant perçu un marmonnement, leva un sourcil et regarda autour de lui.
— « Quelqu’un a dit quelque chose ? » demanda-t-il, visiblement intrigué.
— « Non, rien, » répondit rapidement Nour, son ton ferme mais calme, tout en fusillant Jad du regard pour s’assurer qu’il ne rajouterait rien.
Sami, toujours un peu suspicieux, laissa échapper un léger soupir.
— « Très bien, mais ne restez pas trop longtemps dehors, d'accord ? »
— « Mais… » commença Jad, la voix teintée d’agacement.
— « Jad, s’il te plait » coupa Nour avec un ton ferme, accompagnant ses mots d’un regard qui en disait long. Elle se retourna vers Sami avec un sourire poli. « Ne t’inquiète pas, on arrive tout de suite. »
Alors que Sami retournait à l’intérieur du restaurant, laissant la musique et les rires l’engloutir, Nour se tourna de nouveau vers Jad. Une tension palpable flottait entre eux, signalant que leur conversation n’était pas encore complètement terminée.