Le week-end était passé, chacun de leur côté, Jad avec sa sœur et sa famille, et Nour avec sa fille. Elle avait pris le temps de savourer des moments précieux avec elle : des rires, des jeux, et des câlins qui avaient apporté une bulle de bonheur à leur petite vie.
Le samedi matin, Nour avait fait un saut rapide chez ses parents, comme elle le faisait souvent, pour leur dire bonjour et partager un café. Sa mère, fidèle à ses habitudes, ne l’avait pas laissée repartir les mains vides. Elle lui avait préparé un délicieux plat de Daoud Bacha, un classique réconfortant. Les boulettes de viande, tendrement mijotées, baignaient dans une sauce onctueuse où le citron et la mélasse de grenade s’harmonisaient avec les fameuses 7 épices libanaises. Des morceaux de carottes, de pommes de terre, et des oignons fondants ajoutaient une texture parfaite, répandant un parfum nostalgique qui avait immédiatement ramené Nour à son enfance.
En rentrant chez elle, Nour avait rangé le plat dans son frigo, se promettant de le déguster avec sa fille le lendemain.
Pourtant, malgré ces instants de réconfort familial et les rires avec sa fille, Nour n’arrivait pas à se libérer du tumulte qui régnait dans son esprit. Elle était toujours profondément troublée par les paroles blessantes de Jad. Ses mots avaient frappé fort, réveillant des blessures qu’elle pensait refermées. Et la colère qui l’avait submergée ce soir-là lui revenait en mémoire, ainsi que l’instant où elle avait levé la main et lui avait donné deux gifles, presque sans réfléchir.
Ces moments tournaient en boucle dans sa tête, mêlant rage, regret, et une pointe de honte. Mais ce n’était pas tout. Le souvenir du baiser qu’ils avaient échangé venait s’entrelacer avec celui de leur dispute. Elle n’arrivait pas à comprendre comment deux émotions si opposées pouvaient coexister avec une telle intensité.
Ce baiser… Il était encore gravé sur ses lèvres. Jad avait été à la fois tendre et intense, ses lèvres douces mais fraîches à cause de la nuit. Et elle, malgré la colère, n’avait eu qu’une seule envie : rester collée à lui, oublier leurs disputes et se perdre dans cette chaleur qu’il lui avait offerte, ne serait-ce qu’un instant.
Jad, de son côté, se sentait dégoûté par ses propres paroles. Chaque moment partagé avec sa sœur et sa famille était assombri par le souvenir de ce qu'il avait dit à Nour. La frustration, la colère et cette étrange tension qui s'étaient accumulées entre eux résonnaient dans son esprit. Et, surtout, il était hanté par le souvenir des deux gifles qu’elle lui avait données. Comment avait-il pu laisser la situation dégénérer ainsi ?
Lundi matin, l’atmosphère au bureau était tendue, chargée de non-dits et d’angoisses palpables. Nour était particulièrement nerveuse, ses pensées tourbillonnant autour de la réunion prévue avec un client.
Elle venait à peine de poser son sac sur son bureau lorsque son téléphone vibra. C’était Georges. Elle décrocha immédiatement, espérant une mise à jour sur le rendez-vous.
— « Salut Nour, » commença-t-il d’un ton calme mais direct.
— « Salut Georges. J’espère que tu m’appelles pour m’annoncer que tu seras finalement disponible pour la réunion ? » dit-elle, mi-ironique, mi-espérante.
Georges soupira.
— « Non, malheureusement, je ne peux toujours pas. Un problème urgent chez un client, ça ne peut pas attendre. »
— « Génial… » murmura Nour avec une pointe de frustration.
— « Écoute, c’est juste une réunion. Tu es parfaitement capable de gérer ça, et Jad sera là pour te seconder. »
Le simple nom de Jad la fit se raidir. Georges remarqua son silence et poursuivit, d’un ton plus sérieux :
— « Nour… Je sais ce qui s’est passé entre toi et Jad vendredi soir. »
Nour sentit son cœur s’accélérer. Elle serra le téléphone plus fort, une vague de gêne et de colère mêlées montant en elle.
— « Jad te l’a dit ? » demanda-t-elle, sur la défensive.
— « Personne n’a eu besoin de me le dire, je l’ai deviné. Vous étiez tous les deux assez tendus vendredi après-midi, et samedi, Jad m’en a un peu parlé. Il ne m’a pas tout dit, mais j’ai compris l’essentiel. »
Elle ne répondit pas tout de suite, se mordant l’intérieur de la joue. Georges reprit, d’un ton presque conciliant :
— « Nour, écoute-moi bien. Jad n’est pas méchant. Il peut être maladroit, impulsif, parfois blessant, mais il n’a pas de mauvaises intentions. »
— « Facile à dire, Georges, mais tu n’étais pas là. Tu n’as pas entendu ce qu’il m’a dit. Et puis, ce n’est pas qu’une question d’intentions. »
— « Je comprends que tu sois en colère, et tu as le droit de l’être. Mais on est au travail, Nour. Tu dois te concentrer sur ce qui est devant toi, sur tes responsabilités. Maîtrise tes sentiments, quelles qu’ils soient, et pense au boulot. »
Nour leva les yeux au ciel, exaspérée par ses paroles.
— « C’est toujours facile pour toi de donner des leçons, Georges. Mais tu n’as aucune idée de ce que je ressens. »
— « Tu as raison, je ne sais pas tout. Mais je sais que toi et Jad êtes des adultes, et que vous avez tous les deux les moyens de passer outre ça pour travailler ensemble. Je te fais confiance. »
Nour resta silencieuse un moment, pesant ses mots. Finalement, elle soupira.
— « C’est pas si simple. Et je n’ai pas envie qu’il pense que tout va bien entre nous. »
— « Ce n’est pas une question de lui ou de vous deux. C’est une question de toi, Nour. De ce que tu veux et de ce que tu es prête à faire. Ce n’est qu’une réunion. Fais ce qu’il faut, et le reste… ça viendra en son temps. »
Elle secoua la tête, à moitié convaincue.
— « Si tu le dis… »
— « Je le dis, et je le pense. Allez, tu vas y arriver. »
Quand elle raccrocha, Nour sentit un mélange d’irritation et de résignation. Georges avait raison sur un point : elle devait affronter la réunion, avec ou sans Jad. Mais elle n’était pas prête à ignorer ce qu’elle ressentait, et encore moins à faire comme si rien ne s’était passé.
À peine avait-elle posé son téléphone que Jad apparut à la porte de son bureau, les mains dans les poches, l’air calme mais déterminé.
— « Salut, » lança-t-il d’un ton neutre. « Je vais te devancer et t’attendre dans la voiture. On doit partir dans cinq minutes. »
Nour fronça les sourcils.
— « Je prendrai ma voiture. On se rejoint directement là-bas. »
Jad la regarda, un sourire imperceptible se dessinant sur ses lèvres.
— « Nour, tu sais bien que ça ne se fait pas qu’on arrive en deux voitures différentes chez un client. C’est une question d’image. »
— « Une question d’image ? » répliqua-t-elle, croisant les bras. « Je pense que le client s’en fiche tant qu’on est à l’heure et qu’on fait notre travail. »
Il haussa les épaules, feignant l’insouciance.
— « Peut-être. Mais si Georges l’apprend, il risque de ne pas être content. Et puis, ce serait ridicule de prendre deux voitures pour un même trajet. Allez, viens avec moi. »
Nour serra les dents, agacée. Elle savait que Georges aurait dit la même chose. Et en repensant à sa conversation avec lui, elle se rendit à l’évidence : faire une scène maintenant n’arrangerait rien.
Elle soupira profondément, résignée.
— « Très bien. Mais ne t’attends pas à ce que je sois bavarde pendant le trajet. »
— « Comme tu veux, » répondit Jad, un éclat malicieux dans le regard.
Sans un mot de plus, elle prit son sac et le suivit à contrecœur. Tandis qu’ils descendaient ensemble vers la voiture, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une tension palpable, comme si l’air autour d’eux était chargé d’une énergie qu’ils ne parvenaient pas à dissiper.
Chacun était plongé dans ses pensées, appréhendant la tension qui flottait dans l'air. Nour se demandait comment elle allait gérer cette situation. Elle ne voulait pas revivre les mêmes tensions qu'au restaurant, mais en même temps, elle savait que la conversation inachevée avec Jad restait en toile de fond, prête à resurgir à tout moment.
« Tu es prête ? » demanda Jad, brisant le silence. Sa voix était neutre, mais Nour pouvait déceler une certaine nervosité dans son ton.
Elle hocha la tête, essayant de garder son calme. « Oui, allons-y. »
Ils évitèrent de se regarder à l'intérieur de la voiture, chacun perdu dans ses pensées. Nour se demandait si elle parviendrait à gérer ce rendez-vous sans que les tensions entre eux ne viennent tout gâcher.
Finalement, le rendez-vous s'était déroulé à merveille, comme d'habitude. Nour avait brillé par son professionnalisme et sa préparation, prenant en main la présentation sans une once d'hésitation. Le client l'avait félicitée pour sa démonstration, exprimant son admiration pour son expertise et son assurance. Chaque mot d'encouragement avait réchauffé le cœur de Nour, et elle avait eu l'impression d'être sur un petit nuage.
En sortant, Jad l'attendait, un sourire sincère illuminant son visage. « Bravo, Nour ! Si tu continues comme ça, je vais devoir m’inquiéter pour mon poste, » plaisanta-t-il, l’âme légère.
Pour un instant, la tension entre eux s’était estompée, et Nour ne put s’empêcher de sourire. Son cœur avait fait un bond, et elle avait oublié, ne serait-ce que quelques secondes, qu'elle lui en voulait encore.
Mais sur le chemin du retour, Jad emprunta une route différente, tirant Nour de ses pensées. Elle fronça les sourcils, observant les environs qui ne lui semblaient pas familiers.
— « Jad, on va où ? Ce n’est pas par là le chemin du bureau, » lança-t-elle, le ton méfiant.
Jad, les mains détendues sur le volant, jeta un coup d'œil rapide vers elle, un air à la fois tranquille et décidé.
— « Je t’emmène manger quelque part. »
Nour croisa les bras, ses sourcils se haussant de surprise.
— « Manger ? Maintenant ? »
— « Oui. On a besoin de parler. Et je veux m’excuser pour vendredi, » ajouta-t-il, sa voix adoucie, contrastant avec la fermeté de son regard.
Nour secoua la tête, agacée.
— « Jad, ce n’est pas le moment. Je n’ai pas la tête à ça. Sérieusement, ramène-moi au bureau. »
— « Nour, écoute-moi, » insista-t-il, gardant ses yeux fixés sur la route. « Ce n’est pas qu’un repas. C’est une chance de mettre les choses à plat. Je n’ai pas été correct vendredi soir, je le sais, et je veux en parler calmement avec toi. »
Elle soupira, visiblement contrariée.
— « Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas plus tard ? On a du travail, et j’ai aussi des responsabilités. »
— « Justement. Si on ne prend pas ce moment maintenant, on ne le fera jamais. Tout passera encore une fois à la trappe, et les choses resteront tendues entre nous. Je ne veux pas ça, » répondit-il d’un ton ferme, tout en gardant une douceur qui désarmait peu à peu ses arguments.
Elle détourna les yeux vers la fenêtre, essayant de contenir le tourbillon d’émotions qui montait en elle. Elle voulait refuser, rester inflexible, mais quelque chose dans la voix de Jad sonnait sincère.
— « Tu es vraiment têtu, » finit-elle par dire, d’un ton mêlant résignation et exaspération.
Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de Jad, mais il ne fit aucun commentaire.
— « Je le prends comme un oui, » dit-il simplement, son ton teinté d’un brin de malice.
— « Pas trop longtemps, » rétorqua-t-elle en soupirant. « J’ai des choses à faire, et je dois récupérer ma fille. »
— « Promis, » répondit-il, son sourire s’élargissant légèrement.
Elle le regarda du coin de l’œil, oscillant entre agacement et curiosité. Malgré elle, une petite part d’elle espérait que ce déjeuner impromptu apporte un peu de clarté à tout ce chaos émotionnel qu’elle traînait depuis vendredi soir.
Ils continuèrent en silence, mais cette fois, la tension était remplacée par un léger espoir. Peut-être que ce moment de partage pourrait les rapprocher à nouveau, ou du moins, permettre à chacun de mettre de l’eau dans son vin. Nour se surprit à se demander quel type de lieu il avait choisi pour leur déjeuner, tout en gardant à l'esprit qu'il avait besoin d'une conversation franche et ouverte.
Jad connaissait un petit restaurant idéal, appelé Un Verre sur Mer, situé vers Antelias, au bord de la mer. C’était un endroit calme et paisible, tenu par son ami Fadi. En arrivant, il lui proposa de passer à l’intérieur, car l’air frais de la mer rendait l’extérieur un peu trop froid pour déjeuner.
« C’est mignon, cet endroit, » commenta Nour en suivant Jad. La vue depuis les fenêtres du restaurant donnait directement sur les vagues, qui dansaient doucement sous un ciel légèrement couvert.
À l'intérieur, Jad croisa Fadi, qui s'approcha d'eux avec un grand sourire. « Jad ! C’est toujours un plaisir de te voir ! » Il se tourna ensuite vers Nour. « Enchanté, je suis Fadi, le propriétaire ici. »
« Enchantée, » répondit-elle avec un sourire chaleureux, reconnaissant l’hospitalité du lieu.
Jad demanda à Fadi de leur préparer le menu du jour, un plat typique de siyadiyé, un plat de poisson savoureux et copieux.
Nour leva un sourcil curieux. « Siyadiyé ? Je connais, mais je n’ai jamais goûté. »
« Alors c’est le moment parfait pour essayer, » répondit Jad avec enthousiasme. « Je te promets que tu ne le regretteras pas. »
Elle hésita, puis haussa légèrement les épaules. « Pourquoi pas ? »
Alors qu’ils prenaient place à leur table avec vue sur la mer, Jad proposa à Nour de boire un verre de vin. Elle secoua la tête, souriante mais déterminée. « Non merci, je vais juste prendre de l’eau. La journée est encore trop longue. »
L’attente du plat était un mélange de calme et d’angoisse pour Jad. Il avait envie de mettre les choses à plat, d’aborder la conversation sur ce qui s’était passé vendredi soir, mais il ne savait pas par où commencer.
En se remémorant leurs échanges tendus, il savait qu'il devait être prudent. Son cœur battait la chamade à l'idée de la perdre, et il ne voulait pas qu’elle se sente obligée de démissionner à cause de leur dispute. Pour l’instant, son objectif était de la convaincre de lui pardonner, de raviver la complicité qu’ils avaient bâtie.
Alors que les vagues se brisaient au loin, il prit une grande inspiration. « Nour, je... je voulais vraiment te dire que je suis désolé pour ce que j'ai dit. J'ai agi sans réfléchir, et je ne voulais pas te blesser. »
Il la regarda droit dans les yeux, espérant qu’elle pourrait voir à quel point il était sincère.
Nour leva les yeux vers lui, surprise par la tournure des événements. Jad, d’habitude si sûr de lui, semblait vulnérable, et cela la touchait. Elle sentit une bouffée d’émotion, mais elle n’était pas encore prête à céder.
« Tu as dit des choses que tu ne peux pas reprendre, Jad. C’était blessant, » répondit-elle, sa voix mesurée trahissant une frustration toujours présente.
Jad hocha la tête, conscient que ses paroles avaient franchi une limite.
— « Je sais, et je m’en veux. Je ne voulais pas que tu penses mal de moi, comme si je minimisais ce qui s’est passé entre nous après notre rencontre au Biryt. Ce n’est pas le cas. Ce qu’on a vécu… ce que tu représentes pour moi, c’est important. »
Il la regarda, cherchant une réaction dans ses yeux, espérant qu’elle comprenne la sincérité derrière ses mots.
— « Et pourtant, c’est exactement ce que tu as fait. » Nour croisa les bras, son regard se durcissant légèrement.
— « J’ai juste… je voulais te taquiner, mais je me suis mal exprimé. » Il chercha à trouver les mots justes, son cœur lourd de regrets.
— « Je ne voulais pas que ça aboutisse à une dispute. Je tiens trop à notre collaboration pour ça. »
Nour resta silencieuse, regardant la mer à travers la vitre, perdue dans ses pensées. Elle savait que Jad avait ses qualités, mais cette jalousie, cette possessivité qui émergeait parfois en lui, l’effrayait. Elle se souvenait de la douceur de leur nuit ensemble, mais cela ne pouvait pas effacer l’éclat de colère qu’elle avait ressenti.
— « Tu sais, » commença-t-elle finalement, « ce n’est pas seulement ce que tu as dit. C’est aussi la façon dont tu m’as regardée pendant que je parlais avec Sami. Je veux dire… pourquoi cela te dérange-t-il tant ? »
Jad sentit une vague de frustration le submerger à nouveau.
— « Parce que… » Il se coupa, prenant une profonde inspiration pour se calmer. « Je… je déteste te voir avec d'autres. Je sais que c'est stupide, mais c'est comme ça. »
Elle l’observa, ses yeux scrutant son visage à la recherche d’une sincérité qu’elle espérait y trouver.
— « Écoute, je ne veux pas me sentir obligée de justifier mes amitiés. Je t'ai déjà dit que je ne cherche pas de relation, Jad. »
— « Je le sais, » murmura-t-il, la voix teintée de frustration. « Mais tu es importante pour moi, et parfois, j'ai du mal à comprendre où se trouvent les limites. »
Nour se radoucit légèrement, mais sa détermination était toujours présente.
— « C'est ce que nous devons établir, des limites. Et pour que cela fonctionne, il faut que tu acceptes ma décision. »
— « D’accord, » acquiesça-t-il, réalisant qu’il devait respecter ses choix. « Je ferai de mon mieux, mais je ne te promets rien. »
— « Jad, s’il te plaît. Tu m’avais fait une promesse le jour où je voulais démissionner, et c’est uniquement pour cette raison que je suis revenue sur ma décision. »
— « Je sais, Nour, je sais ! » répondit-il, visiblement agacé par sa propre incapacité à tenir parole.
— « Alors s’il te plaît, concentrons-nous sur notre collaboration et laissons de côté le reste, » proposa-t-elle, son regard se détendant enfin.
À cet instant, leur plat de siyadiyé arriva, interrompant leur échange. L’odeur parfumée du poisson délicatement épicé et du riz infusé au bouillon emplit l’air, attirant l’attention de Nour.
— « Ça a l’air délicieux, » dit-elle, un sourire timide se dessinant sur ses lèvres.
— « Vas-y, goûte. Je suis sûr que tu vas adorer, » répondit Jad, tout en déplaçant doucement l’assiette vers elle, son sourire chaleureux adoucissant encore un peu l’atmosphère.
Nour plongea sa fourchette dans une bouchée et la porta à ses lèvres, fermant brièvement les yeux pour savourer le mélange des saveurs. Jad l’observa, un regard tendre éclairant son visage.
— « Verdict ? » demanda-t-il, les bras croisés sur la table, attendant sa réponse.
— « C’est... vraiment bon, » admit-elle, esquissant un sourire sincère.
Encouragé par cette petite ouverture, Jad se pencha légèrement vers elle, appuyant son coude sur la table, son ton devenant plus léger.
— « Tu sais, si tu continues à être aussi douée pour tout, je vais vraiment devoir surveiller mon poste. »
Nour releva les yeux vers lui, surprise par cette remarque, avant de laisser échapper un petit rire.
— « Ce n’est pas mon but, mais merci quand même pour le compliment. »
Leurs regards se croisèrent brièvement, et pendant un instant, le bruit ambiant du restaurant sembla s’estomper. La tension qui avait imprégné leur conversation jusque-là laissait place à une certaine douceur, presque imperceptible, mais indéniablement présente
Tout en continuant leur repas, ils se détendirent peu à peu, partageant des anecdotes et des rires. À un moment, Jad, dans un geste spontané, essuya doucement une goutte de sauce au coin des lèvres de Nour avec son pouce.
— « Désolé, » murmura-t-il avec un sourire, ses yeux brillant d’une tendresse qui la troubla.
Nour sentit ses joues chauffer légèrement. Elle détourna le regard, un mélange d’embarras et de nervosité la gagnant.
— « Merci, » dit-elle simplement, tout en évitant de croiser son regard.
Le dessert, une assiette de mouhallabié, arriva, et avec lui, un moment de silence. Jad se tourna vers la mer, contemplant les vagues, mais son esprit restait rivé sur elle.
— « Nour, » murmura-t-il après un moment, son ton devenant sérieux.
Elle releva les yeux, incertaine de ce qu’il allait dire.
— « Je suis vraiment désolé pour vendredi. J’ai dépassé les bornes, et tu ne méritais pas ça. »
Les mots résonnèrent, et Nour sentit un nœud dans sa poitrine. Elle voulut répondre, mais son regard était à nouveau captif du sien, et elle se retrouva incapable de parler.
— « Tu sais que je tiens beaucoup à toi, n’est-ce pas ? » ajouta-t-il, sa voix douce, presque un murmure.
Elle détourna les yeux vers la mer, cherchant à se reprendre, mais le souffle court, elle finit par répondre :
— « Jad… s’il te plaît, ne rends pas les choses plus compliquées qu’elles ne le sont déjà. »
Jad hocha la tête, un sourire triste sur les lèvres.
— « Je ne veux pas te compliquer la vie, Nour. Je veux juste être là. »
Le trajet du retour s’annonçait long, mais pour l’instant, le monde semblait suspendu autour d’eux, entre mots tus et désirs retenus.
Si j'aimais le poisson, je me serais bien laissé tenter par la siyadiyyé ! Hélas... Je me consolerai avec la mhalbiyyé :)