En fin de journée, après avoir partagé un déjeuner tendu avec Jad et récupéré sa fille, Nour ressentait encore un poids sur sa poitrine, une confusion qu’elle ne savait pas comment apaiser seule. Sans hésiter, elle envoya un message rapide à Rita, lui demandant de passer chez elle le soir. Rita, toujours présente pour elle, répondit aussitôt qu’elle serait là.
Quelques heures plus tard, une fois sa fille couchée, Nour ouvrit la porte pour accueillir son amie. Rita entra avec un sourire et une chaleur rassurante, ses yeux remplis de cette bienveillance dont Nour avait besoin en cet instant.
Après s’être installées confortablement dans le salon, Nour prit une grande inspiration. Elle se demandait par où commencer, tant les émotions et les souvenirs se bousculaient en elle.
— « Je… j’ai eu une sorte de dispute avec Jad, vendredi dernier. Les choses ont dégénéré, et… je l’ai giflé. »
Les yeux de Rita s’agrandirent sous la surprise, mais elle resta silencieuse, attendant la suite avec patience. Nour continua, cherchant ses mots pour décrire cette scène, les émotions qui l’avaient submergée, la colère, la frustration, et cette gifle qu’elle n’avait jamais imaginé donner.
— « Je n’arrête pas d’y penser, et ça me dégoûte autant que ça me frustre, » avoua-t-elle en soupirant. « Je ne me reconnais pas dans ce geste. Et puis… aujourd’hui, il a voulu s’excuser. On a passé un moment dans un restaurant au bord de la mer, et je… je crois que ça m’a encore plus embrouillée. »
Rita éclata de rire.
— « Vous avez mangé quoi ? »
Nour fronça les sourcils, exaspérée.
— « Mais Rita, c’est tout ce qui t’intéresse, toi ? Pfff. »
Rita haussa les épaules, toujours amusée.
— « Mais je rigolais… Non mais on ne peut plus plaisanter avec toi. »
Nour leva les yeux au ciel.
— « Laisse-moi continuer. »
Rita hocha la tête, prenant soin de ne pas l’interrompre. Elle savait que ces mots étaient lourds de sens pour Nour, qui évitait d'habitude de parler de ses émotions aussi directement.
— « C’est comme si… » Nour hésita, cherchant ses mots. « Comme si je n’arrivais pas à poser des limites claires avec lui. Parfois, il m’agace, il m'énerve, mais en même temps, il sait exactement comment me faire sourire. Je ne sais pas comment expliquer, c’est comme s’il comprenait mes forces et mes faiblesses mieux que personne. »
Rita posa une main rassurante sur son épaule.
— « C’est normal que tu ressentes tout ça, Nour. Après tout, tu partages beaucoup de temps avec lui, vous travaillez ensemble… et c’est clair qu’il a des sentiments pour toi. Mais la question, c’est de savoir ce que toi, tu ressens vraiment. »
Nour détourna le regard, perdue dans ses pensées.
— « Je ne sais pas, Rita. C’est compliqué… Il y a quelque chose en lui qui me fait me sentir vivante, mais… » Elle serra sa tasse, cherchant la force de continuer. « Mais j’ai peur. Peur de répéter les erreurs de mon passé. Avec Paul, c’était pareil au début : cette passion, cette complicité. Et puis, tout a basculé. Il voulait me garder sous contrôle, m’empêcher de suivre mes propres rêves. Et aujourd’hui… je ne veux plus de ça. J’ai travaillé si dur pour me construire, pour bâtir une vie stable pour moi et ma fille. Je ne peux pas tout risquer. »
Rita acquiesça en silence, comprenant les craintes de son amie. Elle connaissait l’histoire de Nour avec Paul, cet homme qui avait tenté de l’enfermer dans une vision étroite de ce qu’était « une femme et une mère ». Nour avait quitté cette relation pour préserver sa liberté, et elle ne voulait pas retomber dans un schéma similaire.
— « Jad n’est pas Paul, » finit par dire Rita avec douceur. « Mais il faut que tu sois claire avec toi-même. Tu veux que cette relation reste professionnelle, alors pose des limites. Et si, au fond, tu ressens plus que de l’amitié pour lui, il faudra aussi lui parler honnêtement de ce que tu attends dans ta vie. »
Nour soupira, sa poitrine serrée par le mélange de sentiments contradictoires qui tourbillonnaient en elle.
— « J’ai peur qu’il ne comprenne pas. Il y a quelque chose de possessif en lui, quelque chose qui… me rappelle des mauvais souvenirs. Je ne veux pas d’une relation où je dois justifier chaque instant, chaque décision. Je veux garder le contrôle sur ma vie, ma carrière, et ne plus jamais renoncer à mes ambitions. »
Rita sourit légèrement.
— « Alors c’est à toi de poser tes conditions, Nour. Dis-lui que ta carrière est essentielle, que tu n’es pas prête à faire de compromis là-dessus. S’il tient à toi, il comprendra. Et s’il ne comprend pas, alors c’est que tu n’as rien à regretter. »
Nour baissa les yeux, méditant sur ces mots. Elle savait que Rita avait raison. Elle avait un chemin de vie bien tracé, et elle n’avait pas le droit de se laisser freiner par ses doutes ou par la peur de déplaire. Mais au fond d’elle, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si elle n’était pas en train de passer à côté de quelque chose de précieux en mettant ces murs entre elle et Jad.
— « Merci, Rita, » murmura-t-elle finalement. « J’avais besoin d’entendre tout ça. »
Rita lui tapota affectueusement l’épaule, un sourire réconfortant aux lèvres.
— « Tu es une femme forte, Nour. Ne laisse personne te faire oublier ça. »
Rita se redressa soudainement dans le canapé et fixa Nour avec un regard pétillant.
— « Au fait, tu n’aurais pas de bonnes choses à manger ? » demanda-t-elle innocemment.
Nour éclata de rire, surprise par cette transition soudaine.
— « Quoi ? Mais qu’est-ce qui se passe avec toi ce soir ? » dit-elle en secouant la tête, amusée.
Rita haussa les épaules, un sourire mystérieux sur les lèvres.
— « J’ai juste envie de grignoter quelque chose de bon, voilà tout. »
Nour plissa les yeux, la regardant avec suspicion avant de lancer en plaisantant :
— « Attends, ne me dis pas que tu es enceinte ou quoi ? »
Rita laissa échapper un éclat de rire avant de poser délicatement une main sur son ventre.
— « Eh bien, maintenant que tu le dis… Oui, je suis enceinte ! »
Le silence s’installa pendant une seconde, le temps que l’information fasse son chemin dans l’esprit de Nour. Puis, elle bondit de son siège, les yeux écarquillés.
— « QUOI ? Rita ! C’est vrai ?! » s’écria-t-elle, partagée entre l’étonnement et la joie.
Rita acquiesça, les yeux brillants.
— « Oui, c’est vrai. Trois mois, déjà. Je voulais te le dire depuis un moment, mais… je cherchais le bon moment. »
Nour l’attrapa dans ses bras, un sourire rayonnant sur son visage.
— « Oh mon Dieu, c’est incroyable ! Je suis tellement heureuse pour toi ! »
Elles restèrent un moment ainsi, étreintes dans une chaleur amicale, partageant la joie de cette nouvelle merveilleuse.
— « Ça explique donc tes envies soudaines de nourriture, madame la future maman, » plaisanta Nour en se reculant légèrement.
Rita rit de bon cœur.
— « Oui, et tu ferais mieux de me nourrir avant que je ne dévore tout ce qu’il y a dans ta cuisine. »
Nour secoua la tête en riant avant de se lever.
— « Viens, je vais te préparer quelque chose. Mais je te préviens, tu vas devoir m’expliquer tout ça en détail, et surtout comment tu comptes gérer tout ça avec ton boulot et ta vie déjà bien remplie. »
Rita suivit son amie dans la cuisine, un sourire aux lèvres. Elles savaient toutes les deux qu’une longue discussion les attendait, mais pour l’instant, elles savouraient la simplicité de ce moment partagé.
En parallèle, de retour chez lui après une journée tumultueuse, Jad entra dans sa maison, le cœur lourd. À peine avait-il franchi la porte que ses neveux, entendant le bruit, accoururent et ouvrirent la porte avec enthousiasme.
— « Khalo Jado ! » s’écria le plus jeune, courant vers lui avec un sourire éclatant.
Les enfants se jetèrent dans ses bras, le cœur léger et plein d’énergie.
Jad éclata de rire, embrassant chacun d’eux avec tendresse. Il adorait ses neveux, et ces moments de bonheur pur étaient un répit bienvenu face à la tempête émotionnelle qui faisait rage en lui. Pendant un moment, il se laissa emporter par le jeu, lançant un petit garçon dans les airs et le rattrapant avec soin. Les éclats de rire des enfants résonnaient dans la maison, apportant une touche de chaleur à son cœur meurtri.
Après quelques instants de jeu, leur père, le beau-frère de Jad, intervint.
— « Bon, les enfants, il est temps d’aller au lit, » annonça-t-il avec un sourire.
Il savait que la fatigue s’installait et que les enfants avaient besoin de calme. En voyant la tension sur le visage de Jad, il ajouta :
— « Allez, je vais vous accompagner. Vous pourrez dire bonne nuit à Khalo Jado avant de dormir. »
Les enfants, tout excités, coururent vers Jad.
— « Bonne nuit, Khalo ! » dirent-ils en chœur, avant de se blottir contre lui pour des câlins rapides.
— « Bonne nuit, mes chéris, je vous aime, » répondit Jad, un sourire triste sur le visage.
Les enfants disparurent dans le couloir, laissant Jad seul dans le silence de la maison, la joie de leurs rires s’évanouissant lentement.
Il trouva Sophie, sa sœur, dans la cuisine, en train de préparer un petit en-cas. Elle leva les yeux vers lui, une expression inquiète sur le visage.
— « Ça va, toi ? » demanda-t-elle avec douceur.
Jad soupira, son cœur se serrant.
— « Pas vraiment, c’est Nour… »
Sophie écarquilla les yeux.
— « Ah, je le savais. »
— « Ah, commence pas, » répondit Jad, agacé.
— « Non, non, je rigole. Vas-y, raconte. J'ai l'impression que c'est sérieux. »
Jad prit une profonde inspiration.
— « J’ai dit des méchancetés à Nour. On s’est disputés, et… elle m’a giflé. »
Il baissa les yeux, honteux.
— « Je suis dégoûté de moi. Je ne comprends pas pourquoi j’ai agi comme ça. C’est la première fois que je fais quelque chose d’aussi horrible. »
Sophie le regarda avec une expression douce mais ferme.
— « Ça devrait être l’amour, » dit-elle en lui clinant l’œil.
— « Sophie, s’il te plait, arrête, » soupira Jad.
— « Mais je ne rigole pas, je pense que mon petit frère est amoureux… Mais ça ne t'excuse pas de ce que tu as fait. C'était vraiment méchant. »
— « Je sais, d'ailleurs, je me suis excusé le jour même, et aujourd’hui, je l'ai emmenée chez Fadi pour manger et je me suis encore excusé. »
Jad se frotta le visage avec frustration.
— « Nour est vraiment géniale. C'est une belle personne. Même avec sa forte personnalité et son humour, elle m’a écouté et m’a encore expliqué qu’elle ne cherche pas une histoire d’amour. »
— « Et toi, que ressens-tu ? » demanda Sophie.
— « Mais moi, j'ai le sentiment qu'il y a autre chose. Elle a peur de quelque chose, mais elle ne me le dit pas. Je ne sais quoi faire. »
Sophie le regarda avec compassion.
— « Tu dois lui montrer que tu es là pour elle. Parfois, la communication est la clé. »
— « Oui, mais j'ai peur de la blesser à nouveau, » admit Jad.
— « Tu as fait des erreurs, mais l'important, c'est d'apprendre d'elles et de faire preuve de sincérité. Essaie de lui parler franchement, de lui dire ce que tu ressens. »
Jad acquiesça lentement, son cœur battant à l'idée d'affronter à nouveau cette situation délicate. Il savait qu’il devait prendre le risque pour comprendre ce qui se passait réellement entre eux.