Chapitre 15 : Le Lapsus Révélateur
Dans sa chambre, Nour passa une dernière fois la main sur sa robe, simple mais élégante, qui épousait délicatement ses courbes sans en faire trop. Elle avait soigneusement glissé une bouteille de vin dans son sac, accompagné de quelques cotillons et d’une bûche achetée à la pâtisserie Le Phénicien. Tout était prêt, mais son cœur, lui, hésitait encore. Cette soirée chez Sophie, avec Jad… Elle oscillait entre une envie irrésistible d’y aller et une peur diffuse, presque inexplicable, de franchir une étape qu’elle ne maîtrisait pas.
Alors que ses pensées tourbillonnaient, son téléphone vibra. Elle décrocha, reconnaissant la voix familière et pleine d’entrain de Rita, sa meilleure amie.
— « Salut, ma belle ! Alors, prête à aller jouer les reines du réveillon ? » lança Rita, moqueuse.
Nour esquissa un sourire, malgré son trouble intérieur.
— « Disons que je me demande encore si c’est une bonne idée. »
— « Quoi ? Tu es sérieuse ? Mais pourquoi ? » s’étonna Rita.
— « Je ne sais pas… Je stresse un peu. C’est ridicule, mais je n’arrête pas de penser à Jad. C’est comme si… je ne sais pas, il prenait trop de place dans ma tête. Ça m’énerve. »
Un éclat de rire répondit à sa confession.
— « Oh là là, Nour… C’est officiel : tu as un gros, énorme, irrévocable crush. »
— « N’importe quoi ! Ce n’est pas ça. Enfin, je ne crois pas… » balbutia-t-elle, rougissante.
— « Si, c’est ça, et tu le sais très bien. Laisse-toi porter, ma belle. Ce n’est qu’une soirée, rien de plus. Et puis, qui sait ce qui pourrait arriver ? »
Nour changea précipitamment de sujet.
— « Et toi, prête pour ta soirée avec ton mari ? »
— « Oui, oui. Tout est réglé. Les cousins viennent nous chercher dans une heure. »
Un soupir lui échappa.
— « Tu vas me manquer. C’est la première fois qu’on ne passe pas le Nouvel An ensemble. »
— « Oh, mais tu seras avec une compagnie bien meilleure que la mienne ce soir, crois-moi. »
— « Rita, arrête ! »
— « Mais quoi ? Je n’ai rien dit ! » plaisanta-t-elle. « Allez, amuse-toi, OK ? On s’appelle à minuit ! »
Encouragée, Nour raccrocha et s’observa une dernière fois dans le miroir. C’est juste une soirée, Nour. Respire et profite. Avec un soupçon de courage retrouvé, elle attrapa ses affaires et quitta son appartement.
Chez Sophie, la maison était déjà en pleine effervescence. Dans la cuisine, Sophie et son mari, Antoine, s’affairaient entre casseroles et plateaux. Un plateau de fromages soigneusement présenté, des feuilletés dorés et une bûche maison attendaient sur le buffet. Jad, fidèle au poste, les aidait à disposer les verres et à ajuster les guirlandes lumineuses.
Sophie, un sourire espiègle sur les lèvres, s’approcha de lui.
— « Alors, Jado… Pourquoi est-ce que tu sembles un peu nerveux ? Y aurait-il une invitée que tu attends avec impatience ? »
Jad lui lança un regard faussement désespéré.
— « Arrête, So. Oui, j’ai hâte que Nour arrive. Mais ce n’est pas que ça. Je redoute surtout que Cyrine… enfin, qu’elle se fasse remarquer, comme d’habitude. »
Sophie éclata de rire, puis lui tapota l’épaule avec bienveillance.
— « Ne t’en fais pas. Si elle commence à jouer les drama queens, je m’en charge. »
Jad soupira.
— « Merci. J’espère juste qu’elle n’essaiera pas de m’entraîner dans ses histoires, surtout devant Nour. »
Un regard complice fut échangé avant que Sophie ne retourne superviser le reste des préparatifs.
Carla et Georges arrivèrent peu après, accompagnant Nour. Dès qu’elle franchit la porte, Nour sentit un léger malaise s’installer en elle, sans qu’elle puisse vraiment en saisir la cause. Son esprit vagabonda un instant, se rappelant le soir où elle avait passé la nuit chez Jad, cet espace où ils avaient partagé une proximité qui la troublait encore. Elle chassa rapidement cette pensée, serrant la bouteille pour se ressaisir.
Jad apparut presque instantanément, son sourire chaleureux éclairant son visage. En croisant son regard, elle sentit son cœur manquer un battement.
— « Vous êtes magnifiques, tous les trois ! » lança-t-il.
Carla, toujours sur le ton de la taquinerie, répondit en riant :
— « Toi aussi, Jad ! On dirait que tu as sorti ton meilleur costume pour l’occasion. »
Il rit doucement, se penchant légèrement vers elle pour murmurer :
— « Si seulement ce costume suffisait à éloigner Cyrine de mes basques… »
De son côté, Nour observait les lieux, jusqu’à ce que Carla lui murmure à l’oreille :
— « Tu vois Cyrine, là-bas ? L’élégante près de la cheminée ? Elle a été complètement obsédée par Jad, à une époque. Elle a dû mal digérer ses refus. »
Nour fronça les sourcils.
— « Ah… Ce genre d’histoire. »
Carla lui fit un clin d’œil.
— « Mais ne t’inquiètes pas, il n’a d’yeux que pour une autre ce soir. »
— « Carla ! » protesta Nour, rouge comme une tomate.
Les deux jeunes femmes rejoignirent le reste du groupe dans le salon. Cyrine, quant à elle, ne tarda pas à s’approcher de Nour avec un sourire aussi poli que calculateur.
— « Tu es l’amie de Sophie, c’est ça ? Et… une amie de Jad aussi, non ? » commença-t-elle.
Nour, se tenant sur ses gardes, répondit avec un sourire aussi calme qu’imperturbable :
— « Oui, exactement. »
Les questions de Cyrine s’enchaînèrent, déguisées en curiosités anodines, mais Nour ne laissa rien transparaître. Chaque réponse était mesurée, et la jeune femme finit par détourner la conversation, frustrant visiblement son interlocutrice.
Lorsque tous passèrent à table, Jad prit naturellement place à côté de Nour. Cyrine, observant cette proximité, ne put s’empêcher de lancer une remarque :
— « Alors, vous deux… Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? »
Le silence tomba aussitôt autour de la table. Pris au dépourvu, Nour, sans réfléchir, lâcha :
— « Deux mois. »
Un souffle d’étonnement parcourut les convives. Tous les regards se tournèrent vers elle, y compris celui de Jad, à la fois surpris et… amusé.
Cyrine haussa un sourcil, affichant un sourire faussement innocent.
— « Deux mois ? Eh bien, quelle surprise ! Vous vous êtes rencontrés où ? »
Nour, décidant de jouer le jeu, répondit avec un sourire tranquille :
— « Dans un bar à Mar Mikhael. Et depuis, on ne se quitte plus. »
Carla murmura à Georges, amusée :
— « Tu savais ça, toi ? »
— « C’est mon cousin, je pouvais pas trahir sa confiance. »
— « Et moi, je suis censée être ta sœur ! » répliqua-t-elle en riant doucement.
Jad, sentant que Cyrine allait insister, leva son verre avec détermination.
— « Trinquons à cette nouvelle année, et à cette soirée merveilleuse. Santé à tous ! »
Le sujet fut détourné, mais pas l’émotion qui flottait entre Nour et Jad.
Profitant d’un moment où l’attention des convives s’éparpillait dans les conversations, Jad se pencha légèrement vers Nour, sa voix basse et douce.
— « J’aurais bien aimé que ce soit vrai, tu sais. »
Surprise, elle releva les yeux vers lui, croisant son regard profond et sincère. Pendant une seconde, elle ne trouva pas les mots. Elle joua nerveusement avec la serviette posée sur ses genoux, comme si elle espérait y trouver une réponse.
— « Tu plaisantes, là, hein ? » finit-elle par murmurer, un sourire timide effleurant ses lèvres.
Il secoua lentement la tête, un éclat d’honnêteté dans ses yeux.
— « Pas vraiment. »
Les joues de Nour s’empourprèrent aussitôt, mais elle tenta de garder un ton léger.
— « Jad, tu sais très bien que je ne voulais pas dire ça… Je… c’était un lapsus, rien de plus. »
Un sourire espiègle se dessina sur son visage.
— « Peut-être. Mais parfois, un lapsus révèle ce qu’on n’ose pas dire tout haut. »
Elle baissa les yeux, troublée, tout en essayant de rétorquer.
— « Et si c’était juste une erreur ? Une maladresse, comme tant d’autres ? »
Il se rapprocha un peu plus, son regard s’adoucissant.
— « Alors, pourquoi ton cœur bat si vite en ce moment ? »
Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne vint. Il avait raison, et elle le savait. Mais l’admettre, là, devant lui, dans cette pièce pleine d’yeux curieux… c’était impossible.
— « Tu deviens prétentieux, Jad. Je suis juste nerveuse parce que tout le monde nous regarde. »
Il sourit doucement, reculant juste assez pour respecter son espace.
— « Comme tu veux, Nour. Mais tu ne pourras pas fuir cette conversation éternellement. »
Un mélange de défi et de tendresse flottait dans l’air entre eux, mais avant qu’elle ne puisse répondre, Sophie appela tout le monde pour passer au dessert.
Nour laissa échapper un soupir de soulagement, tandis que Jad, amusé, se levait pour l’aider à sortir de table.
— « Ne t’inquiètes pas, » murmura-t-il en prenant son assiette. « Ce n’est que partie remise. »
Elle lui lança un regard mi-fâché, mi-amusé.
— « Tu ne lâches jamais, hein ? »
— « Jamais, » répondit-il avec un clin d’œil.
Et, alors qu’ils se dirigeaient tous les deux vers la cuisine, une chose était claire : ce lapsus, aussi embarrassant soit-il, venait de marquer un tournant dans leur relation. Nour ne savait pas où tout cela la mènerait, mais une partie d’elle ne pouvait s’empêcher de frémir à l’idée de découvrir la suite.
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