Chapitre 17 : Le Silence des Sentiments
Le retour à la réalité après la soirée du Nouvel An fut étrangement lourd pour Nour. L’atmosphère de fête avait laissé place à un quotidien où quelque chose semblait avoir changé, comme si une présence familière s’était soudainement éteinte autour d’elle. Jad, fidèle à sa promesse de lui donner de l’espace, s’efforçait de tenir ses distances. Plus de regards appuyés, plus de discussions à demi-mot, plus de silences lourds de sous-entendus. C’était comme s’il avait verrouillé son cœur pour éviter de l’exposer à nouveau.
Au début, Nour avait ressenti un certain soulagement. Elle se disait qu’il valait peut-être mieux ainsi. Pourtant, elle n’avait pas tardé à ressentir un vide étrange. Elle se surprenait à guetter son sourire, à chercher son regard sans jamais le trouver. Jad semblait l’avoir effacée de son quotidien, et ce détachement éveillait en elle une frustration inattendue.
Un après-midi, alors qu’elle prenait un café avec sa meilleure amie Rita, Nour ne put retenir plus longtemps ses pensées.
— « Rita, je ne comprends plus rien, » avoua-t-elle en remuant distraitement sa tasse. « Jad a complètement changé d’attitude. »
Rita leva les sourcils, curieuse.
— « Comment ça ? Il a fait quelque chose de spécial ? »
— « Non… enfin, c’est ça le problème. Il ne fait plus rien du tout. Avant, il me regardait toujours d’une façon… différente. Il cherchait des occasions de me parler, d’être près de moi. Maintenant, c’est comme si j’étais une simple connaissance pour lui. »
Rita l’observa, un léger sourire sur les lèvres.
— « Et ça te dérange ? »
Nour rougit, prise au dépourvu par la question. Elle hésita avant de répondre.
— « Je ne sais pas… Peut-être un peu. C’est juste que… je ne pensais pas que ça me toucherait autant. »
Rita, toujours aussi perspicace, la fixait intensément.
— « Nour, il semble qu’il ait compris ton besoin d’espace et qu’il respecte ta demande. Mais peut-être que toi aussi, tu dois comprendre ce que tu veux vraiment. »
Nour fronça les sourcils, se plongeant dans ses pensées. Depuis leur conversation lors du réveillon, elle avait essayé de se convaincre que sa décision de prendre du recul était la meilleure. Mais voir Jad s’éloigner réellement, voir l’intensité de son regard s’éteindre, réveillait en elle des émotions complexes et contradictoires.
Le jour suivant, au bureau, elle le remarqua davantage. Jad passait près d’elle sans plus marquer de pause. Lorsqu’ils se croisaient, il la saluait avec un sourire poli, mais ses yeux, autrefois brillants de complicité, étaient maintenant empreints d’une distance tranquille.
Ce soir-là, elle rentra chez elle le cœur lourd. Elle se surprit même à vouloir appeler Rita pour lui parler de cette sensation étrange qui la hantait. Ses pensées se bousculaient, mais une phrase résonnait en boucle : Pourquoi est-ce que son éloignement me fait autant de mal ?
Les jours suivants, elle fit davantage attention à Jad, à ses gestes, à ses paroles. Plus elle observait son indifférence apparente, plus elle se sentait troublée. Elle réalisait peu à peu que quelque chose de fort s’était installé entre eux, même si elle s’était évertuée à l’ignorer.
Un matin, elle le surprit dans une conversation avec Christy. Il riait, et son sourire résonna en elle comme un rappel douloureux de l’attention qu’il lui avait autrefois portée. Elle ressentit une pointe de jalousie, ce même sentiment qui l’avait freinée dans leur relation naissante.
Cette fois, elle se sentit perdue, submergée par ses propres contradictions. Elle voulait son espace, mais elle voulait aussi retrouver cette connexion unique qu’elle partageait avec lui.
Elle revit Rita quelques jours plus tard, incapable de taire plus longtemps ce qui la tourmentait. Elles étaient assises dans le même café, mais cette fois, c’était Nour qui cherchait des réponses.
— « Je ne sais plus quoi faire, Rita, » avoua-t-elle, la voix brisée par l’hésitation. « Je me suis dit que ce serait plus simple comme ça… Mais en fait, tout ce silence entre nous est en train de me rendre folle. »
Rita lui adressa un regard compréhensif, prenant un instant avant de répondre.
— « Tu sais, parfois, ce qu’on ressent n’est pas aussi simple à comprendre. Ce que tu as pour lui… c’est peut-être plus fort que ce que tu t’étais imaginé. »
Nour détourna le regard, son cœur battant à l’idée que Rita puisse avoir raison.
— « Alors pourquoi est-ce que j’ai autant peur de m’ouvrir à lui ? »
Rita prit doucement sa main.
— « Parce que tu as peur d’être blessée, Nour. Mais chaque fois que tu ressens cette peur, rappelle-toi que ce que tu ressens pour lui, même si ça te trouble, c’est aussi ce qui fait battre ton cœur. Parfois, ça vaut la peine de prendre des risques. »
Nour resta silencieuse, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. Jad était peut-être en train de lui offrir ce qu’elle avait demandé : de l’espace. Mais elle se rendait compte, peut-être trop tard, que ce dont elle avait réellement besoin, c’était de lui.