Un matin brumeux, une effervescence palpable régnait chez Khoury Consulting. Un appel de Dubaï avait tout accéléré : un client influent cherchait une SSII pour superviser le projet de remplacement de son système d'information, une mission d'envergure avec des enjeux importants. Georges et Jad étaient déjà en salle de réunion, explorant les détails de ce projet potentiellement décisif pour la société.
Georges feuilletait les documents, l'air concentré, mais son agenda était un véritable casse-tête. Après un soupir, il prit la parole.
— « Jad, je ne vais pas pouvoir me rendre à Dubaï avec toi, » dit-il en levant les yeux. « J'ai trop de boulot en ce moment. Je dois finaliser la livraison du logiciel pour la société SCAL, et la deadline est inévitable. »
— « Tu plaisantes, Georges ? Tu sais bien qu'il vaut mieux qu’on soit deux pour ce genre de rendez-vous, » répondit Jad, fronçant les sourcils, surpris.
— « Crois-moi, si je pouvais, je viendrais. Mais c’est impossible cette fois, » répondit Georges, visiblement désolé. « Demande à Nour. Elle est plus que qualifiée pour t’accompagner sur ce projet. »
Jad se redressa brusquement, presque indigné.
— « Nour ? Hors de question. Non, jamais de la vie ! »
Un sourire en coin apparut sur le visage de Georges.
— « Et pourquoi donc ? »
Jad se passa la main dans les cheveux, manifestement embarrassé.
— « Parce que je ne veux pas qu'elle pense que j'ai fait exprès de la choisir. »
Georges haussa les épaules.
— « Si c’est ça qui t'inquiète, laisse-moi lui en parler, tout simplement. »
Jad soupira, agacé mais résigné.
— « Ça ne servira à rien, elle refusera, j’en suis certain. Et encore plus si elle apprend qu'on va devoir passer la nuit à Dubaï. Elle me fuira. »
Georges éclata de rire.
— « Ne t’inquiète pas, je m’en occupe. Je peux être très convaincant quand je veux. Fais-moi confiance, cousin. »
Le regard de Jad se perdit un instant, pesant les mots de Georges. Malgré ses réticences, il savait que Nour était le choix logique. Elle connaissait parfaitement le dossier et avait déjà collaboré sur des projets similaires. Mais l’idée de se retrouver seul avec elle, d’autant plus dans une ville étrangère, le troublait profondément.
Georges, en voyant le silence de Jad, posa une main sur son épaule.
— « Jad, laisse-moi lui parler. Ce projet est une grande opportunité, et Nour pourrait apporter énormément à la mission. Si tu veux vraiment qu’on réussisse ce coup, il faut mettre de côté les hésitations personnelles. »
Jad acquiesça finalement, même si ses yeux trahissaient une certaine inquiétude.
— « Très bien. Fais-le. Mais ne me mets pas en mauvaise posture. »
Georges lui adressa un clin d'œil.
— « Fais-moi confiance. Je sais exactement quoi lui dire. »
Un peu plus tard, dans le bureau de Nour :
Georges frappa doucement à la porte, puis entra avec un sourire engageant.
— « Salut, Nour ! J’ai besoin de te parler d'un projet. »
Intriguée, Nour posa son stylo et l’invita à s’asseoir.
— « Bien sûr, Georges. De quoi s’agit-il ? »
Il lui expliqua en quelques mots le projet de remplacement du système d'information du client basé à Dubaï et le rôle crucial qu’ils devaient jouer. Nour écoutait attentivement, ses yeux s’illuminant d’intérêt.
— « Et… tu es partante ? » demanda Georges, un sourire encourageant sur le visage.
Nour hocha la tête, enthousiaste.
— « Oui, ça m’intéresse beaucoup. Dubaï, en plus ! C’est une belle opportunité. »
Georges hésita un instant, conscient du point sensible.
— « Bon, il y a un détail. Vu l’emploi du temps et les distances, il faudra probablement passer la nuit là-bas. »
Nour sembla surprise, son sourire faiblissant un peu.
— « Et… tu seras là, n’est-ce pas ? »
Georges secoua doucement la tête.
— « Non, Nour, je ne pourrai pas y aller, je suis pris avec la société SCAL. Mais Jad sera ton partenaire sur ce projet. Vous formerez une excellente équipe, j’en suis certain. »
Nour marqua une pause, visiblement déstabilisée. Elle se remémora leurs récents échanges, l’éloignement soudain de Jad, et les émotions conflictuelles qu’elle ressentait encore.
— « Je ne sais pas, Georges… »
Georges posa une main rassurante sur son bureau.
— « Nour, je sais que c'est une situation délicate pour vous deux. Mais c’est un projet important. Et honnêtement, tu es l’une des meilleures pour le job. Ça te permettrait aussi de montrer tout ce que tu sais faire, tu ne crois pas ? »
Nour prit une profonde inspiration. Elle sentait la pression, mais elle savait aussi que Georges avait raison. C'était une occasion unique de prouver ses compétences sur une grande scène.
— « D’accord, Georges, » dit-elle finalement. « Je vais y réfléchir sérieusement. »
En fin de journée, dans le bureau de Nour :
En fin de journée, Jad se rendit au bureau de Nour pour finaliser les derniers détails du départ. En entrant, il la trouva penchée sur ses documents, absorbée par une note qu’elle rédigeait. Le silence dans la pièce ajoutait à l’intensité de l’instant.
— « Salut, Nour, » dit-il doucement, posant quelques papiers sur le bord de son bureau. « Tout est prêt pour demain. »
Nour releva la tête, surprise, avant de lui adresser un léger sourire.
— « Merci, Jad. J’apprécie. »
Elle se redressa pour prendre les documents qu’il venait de déposer, et par inadvertance, sa main effleura celle de Jad. Le geste, si anodin, les figea tous les deux. Leurs yeux se croisèrent, leurs regards cherchant quelque chose d’indéfinissable.
Le cœur de Nour battait plus vite. Jad, de son côté, sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Les secondes s’étirèrent. Instinctivement, leurs corps se rapprochèrent légèrement, attirés comme deux aimants. Il suffisait d’un souffle, d’un mot de trop, pour que tout bascule.
Jad déglutit, la gorge soudain sèche.
— « Nour... »
Sa voix était presque un murmure. Nour n’eut pas le temps de répondre. La porte du bureau s’ouvrit brusquement, et la silhouette de Suzy apparut, l’air pressé.
— « Désolée, Nour, je ne voulais pas déranger, mais Georges te cherche ! »
Leurs corps se figèrent instantanément. Nour se recula d’un pas, ramenant précipitamment ses cheveux derrière son oreille. Jad toussota maladroitement.
— « Merci, Suzy. Je… j’arrive tout de suite, » répondit Nour.
Suzy referma la porte, les laissant de nouveau seuls dans un silence électrique.
— « Bon, je vais te laisser… te préparer pour demain, » lâcha Jad. Puis il hésita. « Et… je viendrai te chercher demain matin pour qu’on aille ensemble à l’aéroport. »
Nour hocha la tête, surprise mais reconnaissante.
— « Merci. Je serai chez mes parents pour déposer la petite avant qu’on parte. »
Jad acquiesça d’un ton simple.
— « Parfait. Je t’enverrai un message quand j’arrive, vers 9h30. »
Elle acquiesça, le regard pensif.
— « Ça marche, à demain. »
Alors que Jad sortait du bureau, son regard s’attarda un instant sur elle. Il y avait quelque chose dans l’air, un non-dit qui flottait encore entre eux.
Nour se laissa retomber sur sa chaise, posant une main tremblante sur sa poitrine pour calmer son cœur affolé.
— Qu’est-ce qui vient de se passer ? pensa-t-elle.
Quant à Jad, il s’éloigna dans le couloir, se maudissant intérieurement. Une simple rencontre, un geste fugace, et pourtant… ils avaient frôlé quelque chose qu’ils ne pouvaient ignorer.