Jad arriva au bureau après un mois de télétravail, un léger sourire sur les lèvres, bien que son esprit fût encore marqué par les derniers événements. Il n'était pas totalement rétabli, mais suffisamment pour se remettre au travail. Lorsqu'il passa la porte du bâtiment, une vague de chaleur humaine l'accueillit immédiatement. Ses collègues, qui avaient suivi son rétablissement de loin, l’entourèrent, visiblement heureux de le retrouver parmi eux.
— « Ça fait plaisir de te voir, mon vieux ! Comment tu te sens ? » lança Georges, qui fut le premier à s’approcher, une poignée de main ferme et un sourire bienveillant.
— « Ça va. Un peu fatigué, mais ça va, » répondit Jad en souriant, bien qu'une part de lui restât encore un peu dans l'ombre. Il appréciait la gentillesse de ses collègues, mais il avait ce sentiment qu'il n'était pas encore tout à fait prêt à reprendre la course. Néanmoins, il était là, et ça lui faisait du bien de voir l’équipe se retrouver autour de lui.
Carla, qui avait l'habitude de toujours avoir un rythme effréné, se faufila rapidement entre les autres, son visage brillant d'excitation. Elle s’approcha de lui avec une énergie qu’il connaissait bien.
— « Jad ! Tu m’as manqué, tu sais ! » dit-elle en s’éteignant un instant, comme pour reprendre son souffle avant d'ajouter, tout sourire : — « Allez, viens avec moi, j'ai quelque chose de génial à te montrer. »
Surpris mais curieux, Jad la suivit sans poser de questions. Carla était déjà en train de le guider vers le service des ressources humaines. Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte, elle s'arrêta, l’air presque mystérieuse.
— « Voilà, regarde ça. » Elle poussa doucement la porte. — « Nour, viens ici ! »
Jad resta un instant figé sur le seuil, ses yeux cherchant à s’ajuster à la lumière de la pièce. Et là, il la vit. Nour Hatem. La même Nour qu’il avait rencontrée dans ses rêves, dans cette vision irréelle de la soirée parfaite, dans le club Dancing Q, dans la voiture avant l’accident. Son cœur fit un bond, la surprise se lisant sur son visage.
Elle était là, en chair et en os, dans un environnement totalement différent de celui de ses pensées. Leurs yeux se croisèrent, et un instant, le monde sembla s’arrêter.
Carla, qui ne semblait pas du tout perturbée par la tension palpable, se tourna vers Jad avec un grand sourire.
— « Voici Nour Hatem, notre nouvelle responsable du service consulting. Elle va renforcer notre équipe et superviser les projets à venir. Tu vois, je t’avais dit qu’on avait une recrue de qualité ! »
Le regard de Nour se fixa un instant sur Jad, ses traits se durcissant légèrement, comme si elle se rappelait quelque chose. Elle sourit enfin, un sourire réservé mais sincère.
— « Bonjour. » Sa voix était calme, mais il y avait quelque chose dans son ton qui la rendait plus humaine, plus proche.
Jad resta sans voix un instant. Ce n'était pas possible, il avait du mal à croire ce qu'il voyait. Comment Nour pouvait-elle être là, en face de lui, dans le monde réel, alors que tout ce qui s'était passé entre eux semblait appartenir à un rêve, une illusion ? Il avait l’impression d’avoir fait une pause dans le temps et de revenir à une réalité déformée.
Carla, un peu surprise par le silence de Jad, tourna son regard de l’un à l’autre.
— « Vous vous connaissez ? » demanda-t-elle, visiblement intriguée.
Jad, pris au dépourvu, chercha ses mots. Il baissa légèrement les yeux avant de répondre, d'abord d'une voix incertaine :
— « Non... » Puis il releva légèrement la tête, comme s'il avait pris un instant pour se ressaisir. — « Oui... Enfin, un peu... »
Carla arqua un sourcil, perplexe.
— « Un peu ? Mais... vous avez l'air de vous connaître depuis plus longtemps que ça. »
Jad haussa les épaules, une légère lueur de confusion dans les yeux.
— « Disons qu’on s’est déjà rencontrés. »
À cet instant, Nour intervint, son sourire énigmatique toujours présent.
— « Oui, on s’est croisés. »
Carla secoua la tête, peu convaincue.
— « Bon, vous avez clairement une histoire, mais je vais arrêter de poser des questions. » Elle rit légèrement avant de s'éclipser.
La porte se referma doucement derrière elle, laissant Jad et Nour seuls dans la pièce. Une tension silencieuse s'installa, ni lourde ni gênante, mais intense.
Nour brisa le silence, son regard planté dans celui de Jad.
— « Je ne savais vraiment pas que tu étais M. Khoury dont tout le monde parle ici. »
— « Ça me fait bizarre de te revoir, » répondit-il.
— « Je ne sais pas quoi dire... J’espère que ça ne te dérange pas que je travaille ici. Ne t’inquiète pas, je ne dirai rien de ce qui s’est passé entre nous. Je sais que pour toi, ce n’était rien. »
Jad fronça les sourcils, ses yeux s'assombrissant légèrement.
— « Qui t’a dit que ce n’était rien pour moi ? »
Nour baissa les yeux, visiblement troublée.
— « Rien, rien... Si ça ne te dérange pas, je vais continuer à travailler. »
Jad la fixa, son ton devenant plus ferme, presque provocant.
— « Si, ça me dérange. Ça me dérange beaucoup que tu commences une phrase et que tu ne la termines pas. »
Surprise par l’intensité de ses mots, Nour releva lentement les yeux.
— « Je suis repassée au Biryut le lendemain de notre soirée ensemble, et tu n’y étais pas... C’est pour ça que j’ai pensé que ce n’était rien pour toi. »
Jad s’approcha de Nour, son regard intensément fixé sur elle. Il sentit son parfum, un mélange enivrant qui réveilla en lui des souvenirs brûlants de cette nuit passée ensemble. Un frisson le parcourut. Il s’approcha davantage, incapable de résister.
— « M. Khoury, qu’est-ce que vous faites ? » murmura Nour, visiblement gênée. — « On est au travail... »
— « J’attendais ce moment depuis plus de deux mois... » répondit-il.
Avant qu’elle ne puisse réagir, il l’attira doucement contre lui et l’embrassa. Le baiser était profond, chargé d’une intensité qui coupait le souffle. Nour ferma les yeux, hésitante, mais elle finit par céder à l’instant, à l’émotion qu’ils partageaient.
Lorsqu’ils se séparèrent, elle baissa les yeux, encore troublée.
— « J’ai pensé que... » commença-t-elle, mais sa voix s’éteignit.
Jad posa doucement ses mains sur ses épaules, son regard sérieux mais tendre.
— « Ne pense à rien, Nour. Je vais tout te raconter... Mais pas maintenant. Pour l’instant, je suis juste heureux de te revoir. »
Nour leva les yeux vers lui, un mélange de confusion et de tendresse dans son regard. Jad, bouleversé mais étrangement apaisé, hocha doucement la tête. Il savait qu’il n’avait pas encore toutes les réponses, mais il avait enfin une certitude : Nour et lui avaient encore une histoire à écrire, dans cette réalité ou une autre.
Fin
Dans son malheur, Jad a reçu un joli cadeau du destin :) Merci Marie pour ce récit qui nous a tenu en haleine pendant ces 24 chapitres !