Les jours s’écoulaient avec la précision d’une horloge, rythmés par les projets qui s’accumulaient et les réunions qui se succédaient. Nour et Jad passaient de plus en plus de temps ensemble, souvent en tête-à-tête avec l’équipe. Les échanges se multipliaient, les discussions techniques prenaient de l’ampleur et la fatigue se faisait ressentir. Malgré cela, Jad tenait tant bien que mal sa promesse de ne pas rouvrir le sujet de ses sentiments. Mais cette retenue, il le sentait, devenait chaque jour un peu plus difficile.
Il était totalement charmé par Nour. Son sourire, ses gestes délicats, son rire discret, tout chez elle lui plaisait. De son côté, Nour aussi ressentait cette attirance croissante, mais s’efforçait de la dissimuler. Tout cela devenait une sorte de jeu silencieux entre eux, comme si chacun devinait les pensées de l’autre, tout en sachant qu’il ne fallait pas les verbaliser.
Les journées s’étiraient, et les déjeuners de travail devenaient souvent des réunions prolongées, parfois jusqu’en soirée. Nour essayait toujours de ne pas rentrer trop tard pour pouvoir passer du temps avec sa fille après l’avoir récupérée de chez ses parents.
Un soir, après une longue réunion, elle réalisa en rentrant chez elle qu’elle avait oublié des dossiers importants au bureau. Elle envoya un message à Suzanne, son assistante, pour lui demander de lui déposer les documents. Jad, qui avait entendu la conversation, proposa immédiatement de se charger de cette course, prétendant que c’était sur son chemin. En réalité, ce n’était pas vraiment le cas, mais l’idée de revoir Nour lui plaisait trop pour laisser passer l’occasion.
Avant de partir, Jad lui envoya un message pour l’avertir de sa venue. Nour habitait à Dbayeh, non loin de chez ses parents, dans un appartement cozy qu’elle avait acheté après son divorce avec l’aide de sa famille. Un petit T3, simple et chaleureux, qu’elle avait décoré avec soin pour offrir à sa fille un foyer stable et rassurant. L’endroit respirait la sérénité, avec des photos de famille accrochées aux murs, les rires figés dans les cadres évoquant une certaine douceur de vivre.
Jad arriva vers 20h30, alors que Nour venait tout juste de mettre Clara-Maria au lit. Elle lui avait donné les codes d’entrée pour éviter de faire sonner l’interphone, de peur de réveiller la petite. Lorsqu’elle ouvrit la porte, elle posa immédiatement un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer de parler à voix basse.
En entrant, Jad sentit une chaleur familière envahir la pièce. Le salon était baigné d’une lumière tamisée, l’atmosphère douce et réconfortante, et il réalisa à quel point Nour avait réussi à créer un cocon douillet. L’endroit était simple, mais chaque détail semblait soigneusement pensé. C’était comme si l’appartement reflétait une partie d’elle-même, un mélange de force et de douceur.
Jad s’approcha d’une étagère où plusieurs photos étaient disposées. Il y avait des images de Nour enfant, d’autres d’elle et de sa fille souriant, des instants de bonheur suspendus dans le temps. L’une des photos, cependant, attira particulièrement son attention : elle montrait Nour avec un homme et sa fille. Il ne put réprimer sa curiosité et se tourna vers elle.
— « C’est... ton ex ? » demanda-t-il avec un léger sourire, le ton teinté d’une pointe de curiosité.
Nour acquiesça, l’air tranquille.
— « Oui. »
Il hésita un instant, puis poursuivit.
— « Tu es toujours en contact avec lui ? »
Elle haussa les épaules, posant le dossier qu’elle avait récupéré dans un coin de la table basse.
— « Plus ou moins. Pour notre fille, surtout. »
Il la regarda attentivement, puis, incapable de s’arrêter, posa la question qui le taraudait.
— « Tu l’aimes encore ? »
Elle lui lança un regard amusé.
— « Dis donc, tu poses beaucoup de questions. »
Il sourit, un peu décontenancé, mais persista.
— « Tu veux que je m’arrête ? »
— « Pas nécessairement, » répliqua-t-elle, un léger sourire aux lèvres.
Son insistance le fit sourire davantage, mais il reprit d’un ton plus sérieux.
— « Alors... tu l’aimes encore ? »
Elle le fixa un instant, prenant son temps, et répondit d’un ton calme et assuré :
— « Qui ? »
Il émit un rire étouffé, légèrement embarrassé.
— « Nour ? »
Elle secoua la tête, amusée, et répondit enfin :
— « Non. »
Elle laissa planer un silence, puis changea de sujet avec naturel, brisant la tension entre eux.
— « Tu veux boire quelque chose ? Je viens de me préparer une tisane. »
Jad haussa un sourcil, un sourire amusé se dessinant sur son visage.
— « Une tisane ? » Il la taquina en riant doucement. « Tu sais que tu fais un peu mamie, là. »
Nour sourit, non sans une pointe de malice.
— « Ce ne sont pas n’importe quelles tisanes, ce sont des zhourat préparées avec amour par ma petite maman. Un mélange de fleurs de plantes sauvages. Elles apaisent, tu devrais essayer. »
Jad éclata de rire, amusé par sa tentative de défense et pendant un instant, il oublia la promesse qu’il s’était faite. Ses gestes, son rire, tout chez elle lui plaisait tant qu’il devait faire un effort pour retenir l’envie de l’approcher. Il s’était même surpris à imaginer, l’espace d’un instant, ce que ce serait de rester là, auprès d’elle, de l’embrasser jusqu’à ce que le jour se lève.
Mais sa promesse le hantait. Il savait qu’il ne pouvait pas tout gâcher en suivant ses émotions.
— « Non, merci, pour la tisane. Je vais rentrer, » dit-il finalement, en se levant. « Je suis un peu fatigué et... »
Il la regarda un instant, cherchant les mots. Il ne pouvait pas lui dire qu’il risquait de perdre le contrôle s’il restait ici, seul avec elle, dans ce salon aussi intime et apaisant.
— « Je dois me lever tôt demain, alors… je vais y aller. »
Elle acquiesça en silence, un peu déçue mais respectant son choix. Ils échangèrent un dernier sourire, un peu hésitant, presque tendre, avant qu’il ne prenne la porte.
En rentrant, Jad repensa à la soirée, se demandant combien de temps il réussirait encore à ignorer ce qu’il ressentait vraiment pour elle.
Vivement la suite !