Mariages libanais d’antan : entre traditions et magie
Quand chaque détail, de la simplicité du 'Jhez' à la joie des 'zalghouta', racontait une histoire d’amour et de communauté
Les mariages libanais d’autrefois : Simplicité et magie au rendez-vous
Ah, les mariages libanais d’antan… Une époque où tout était plus simple, plus vrai. Loin des "m’as-tu-vu" et des "qui dit mieux-mieux" modernes, chaque moment, chaque sourire, chaque "zalghouta" (ces cris de joie aigus des femmes) racontait une histoire, un morceau de vie partagé avec ceux qu’on aime. Moi, petite, j’avais la chance d’assister à ces festivités. Tout me paraissait féerique, du "Jhez" soigneusement préparé aux éclats de rire qui illuminaient les veillées.
Le « Jhez » : Le trousseau qui raconte une vie
Quand la date du mariage était fixée, tout le monde se mettait au travail. La future mariée, avec sa maman, préparait le fameux « Jhez ». Ce trousseau était bien plus qu’une liste d’objets utilitaires : il contenait l’âme de la maison qu’elle s’apprêtait à quitter. Linge brodé à la main, vaisselle soigneusement choisie, vêtements neufs... C’était un trésor à la fois pratique et sentimental.
Dans le passé, une fête était organisée pour montrer le « Jhez » aux invités. À mon époque, cette tradition s’était un peu estompée, mais je me souviens de ma tante et de sa maman étalant tout avec fierté sur un lit, comme une œuvre d’art.
La veille : La maison devient une fête
La veille du mariage, c’était l’effervescence. Une fête se tenait chez les parents de la mariée, réunissant tout le quartier. Les voisins, la famille, les amis, même ceux qu’on ne voyait qu’une fois l’an, étaient là. Les danses, les plats parfumés… Quel souvenir !
Un des moments phares ? À minuit, le marié débarquait avec sa troupe pour une petite mission secrète. Certains essayaient de subtiliser discrètement un objet de la maison (destiné à être rendu plus tard comme cadeau), tandis que d’autres tentaient carrément de kidnapper la mariée. Un joyeux bazar que la famille de la mariée s’efforçait de contrer dans des éclats de rire.
Le jour J : Chez le marié, chez la mariée
Chez le futur marié :
Le jour du mariage commence tôt chez le marié. Son témoin est là, aux premières lueurs de l’aube, pour l’aider à enfiler son costume. Dans certaines maisons, la mère du marié a sa petite tradition : elle fait brûler de l’encens autour de lui pour le bénir, tout en murmurant des prières.
Chez la mariée :
Pendant ce temps, c’est l’agitation chez la mariée. Coiffeur, maquilleur, photographe... On dirait un défilé de mode. Sur une table magnifiquement décorée trônent les baklawas, les marzipans, les petits fours, et des chocolats artistiquement emballés. Une vraie invitation à céder à la tentation.
Les proches arrivent pour des photos. Chaque famille veut son moment avec la reine du jour, et la demoiselle d’honneur, dans sa robe assortie, ajoute une touche de charme. Puis, quelques heures avant l’église, la famille du marié débarque avec de l’or, des bijoux, et bien sûr des chansons et des lilas. Tout ça sous les caméras et les applaudissements. Un ballet parfaitement orchestré.
Les batailles d’éwiha : l’art du duel musical
Ah, les fameuses batailles d’éwiha ! Ces duels poétiques et musicaux entre les familles de la mariée et du marié étaient incontournables le jour du mariage, surtout à la maison de la mariée. Sur un air de compétition amicale, les membres des deux familles se lançaient des "éwiha" — des chants improvisés où chacun essayait de surpasser l’autre avec des rimes pleines d’esprit et d’humour.
Ces chants étaient souvent un mélange de fierté, de compliments déguisés et de petites piques taquines. L’ambiance était électrique, les rires fusaient, et les spectateurs s’extasiaient devant les talents des chanteurs. Ce n’était pas juste un jeu ; c’était un hommage à la culture orale libanaise et à l’importance de la parole dans les traditions familiales.
Derrière cette joute, il y avait toujours une pointe d’émotion. On sentait l’amour et la fierté de chaque famille, prêts à tout pour honorer leurs enfants dans cette nouvelle union. Ces moments, parfois bruyants mais toujours chaleureux, restent parmi les plus marquants des mariages libanais d’autrefois.
À l’église : Une entrée triomphale
Quand elle quitte sa maison, la future mariée monte dans une superbe voiture décorée, accompagnée de sa demoiselle d’honneur. Le cortège traverse les rues en klaxonnant joyeusement, attirant l’attention de tout le voisinage.
À l’entrée de l’église, le père de la mariée et son futur beau-père l’attendent. Dans un moment solennel et émouvant, son père la prend par le bras pour la présenter à son futur mari. Ensuite, les deux mariés avancent ensemble dans une entrée triomphale, au son des chants religieux et sous les regards admiratifs de leurs proches.
Après la cérémonie, il est temps pour les photos officielles devant l’autel. Chaque famille, chaque invité veut immortaliser ce moment. Une fois les clichés pris, tout le monde se dirige vers un cocktail ou un dîner pour célébrer dans la joie et la bonne humeur.
Un moment magique : Coller la pâte
Après la cérémonie, une autre tradition attend les mariés devant leur nouvelle maison : le marié porte sa jeune épouse dans ses bras jusqu’à la porte. Là, ensemble, ils collent une boule de pâte au-dessus de l’entrée. C’est symbolique : la pâte est le signe de l’union, de la prospérité, et surtout, de la solidité de leur vie commune. Une petite boule qui renferme tant d’espoir.
Le lendemain et… quelques rires
Le lendemain, les témoins débarquent avec un petit déjeuner bien mérité pour les jeunes mariés. Traditionnellement, ils tentent de grappiller quelques détails croustillants sur la nuit de noces.
Raddit al-Ejer : Le retour aux sources
La semaine suivant le mariage, la mariée fait une visite officielle chez sa belle-famille. C’est la "Raddit al-Ejer". Cette tradition symbolise son intégration dans sa nouvelle maison. La belle-famille organise un grand repas et offre des cadeaux, tandis que la mariée, élégante et un peu timide, savoure cette nouvelle étape de sa vie.
Une symphonie de traditions et de musique
Les chansons de mariage faisaient vibrer les cœurs. Il y avait la "Zaffét al-Aroos", cette procession joyeuse qui accompagne les mariés, et bien sûr, les "zalghouta", ces cris spontanés des femmes qui ponctuaient les moments forts. Chaque note, chaque mot racontait une histoire.
Un mariage libanais, autrefois, ce n’était pas juste une fête. C’était une ode à la famille, à l’amour, à la vie. Et même si beaucoup de ces traditions se sont perdues, elles vivent encore dans nos souvenirs, comme une mélodie douce et nostalgique.
(Découvrez ma playlist de chansons de mariage libanaises ici et une vidéo de “éwiha”)
Superbe article ! La course au "m'as-tu vu ?" n'est pas une généralité non plus (du moins je l'espère). Bien des couples continuent à perpétuer ces traditions, ou certaines d'entre elles.