Pâques au Liban : entre foi et traditions
Au Liban, la Semaine Sainte est plus qu’un moment religieux. C’est une atmosphère. Une émotion partagée. Une tradition transmise avec ferveur, de génération en génération.
Dimanche des Rameaux : la fête des enfants et les prières pour le beau temps
Le dimanche des Rameaux marque l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, monté sur un âne, acclamé par la foule avec des branches de palmier. Au Liban, ce jour est l’un des plus attendus, surtout par les enfants. C’est l’occasion de porter ses plus beaux habits, de brandir une bougie richement décorée, souvent entourée de rubans, de perles ou de petits anges.
Mais c’est aussi un jour d’angoisse météorologique pour les parents ! Tout le monde prie pour que le soleil soit au rendez-vous, car la procession autour de l’église est un moment phare, et la pluie pourrait tout gâcher.
Jom3a l 7aziné : la semaine triste et pleine de recueillement
La Semaine Sainte, qu’on appelle « jom3a l 7aziné » (la semaine triste), plonge les fidèles dans les derniers jours de Jésus, de sa passion à sa résurrection. Chaque jour, l’église organise des messes spéciales, des moments de méditation et de prière intense.
Pour moi, les souvenirs d’enfance liés à cette semaine sont encore très vivants. Tout commence avec Orb3et Ayoub, le mercredi de Jacob (ou d’Ayoub). Ce jour-là, il est strictement interdit d’utiliser le balai. On disait que balayer ce jour-là risquait d’attirer une invasion de fourmis ! Une superstition peut-être, mais que personne n’osait défier.
Jeudi Saint : le lavement des pieds et le tour des 7 églises
Le Jeudi Saint, Jésus lave les pieds de ses disciples : un geste d’humilité et d’amour. Dans les églises libanaises, cette scène est rejouée chaque année avec beaucoup de solennité.
Mais ce que j’aimais surtout, c’était la tradition de visiter sept églises dans la soirée, en signe de veille et de prière. On marchait en famille ou entre amis, en silence ou en priant, et cette tournée avait quelque chose de magique et de sacré à la fois.
Vendredi Saint : la Passion du Christ dans les rues
Le Vendredi Saint, tout s’arrête. Le pays entier ralentit. Dans chaque ville et chaque village, on commémore la crucifixion de Jésus avec des processions, des chants, des lectures. Les rues se remplissent de fidèles portant des cierges, suivant une croix, souvent en silence, dans une ambiance empreinte de tristesse et de respect.
Samedi du silence et Sabet el Nour
Le samedi, on entre dans un silence sacré. Jésus est au tombeau. Les églises restent calmes, plongées dans l’attente. Puis, tard dans la nuit, a lieu la vigile pascale, cette célébration pleine d’espoir qui annonce la résurrection.
Mais pour beaucoup, un autre moment très attendu a lieu ce jour-là : Sabet el Nour – le Samedi de la Lumière. En provenance du Saint-Sépulcre à Jérusalem, la lumière miraculeuse qui surgit du tombeau du Christ est attendue avec ferveur. Son apparition est un signe spirituel fort pour les fidèles, et le feu sacré est ensuite partagé, transmis de bougie en bougie, de ville en village, jusqu’aux coins les plus reculés du Liban. C’est ce feu qui annonce, pour beaucoup, le véritable début de la fête de Pâques.
Orthodoxes et catholiques : deux dates, une même foi
Au Liban, on célèbre deux Pâques : celle des maronites (catholiques) et celle des orthodoxes. Elles tombent rarement le même jour, car les deux Églises suivent des calendriers différents. Mais tous les quatre ans environ, les dates se rejoignent. Et en 2025, ce sera justement le cas ! Une joie partagée dans de nombreuses familles libanaises, souvent à cheval entre les deux traditions.
Quand cela arrive, les cloches sonnent à l’unisson, et le pays tout entier semble vibrer d’une foi commune. Une belle image d’unité dans un Liban riche de ses diversités.
Dimanche de Pâques : la joie retrouvée
Et enfin vient le dimanche de Pâques. À la messe, on sent que tout le monde est heureux. On se salue avec des sourires, des « El Massih Qam! » – Le Christ est ressuscité ! – auxquels on répond : « Haqqan Qam! » – Il est vraiment ressuscité !
Après la messe, place à la joie et aux jeux ! La tradition veut que l’on décore les œufs avec soin – rouges, verts, dorés – chacun y mettant son cœur. Puis vient la fameuse bataille des œufs : on tape le bout de son œuf contre celui d’un autre, et le dernier à rester intact est le vainqueur. Rires garantis, surtout quand petits et grands s’affrontent avec un brin de stratégie (et beaucoup de chance) !
Impossible de parler de Pâques sans évoquer les maamouls, ces douceurs typiquement libanaises. Préparés la veille en famille, ces gâteaux sablés sont fourrés de dattes, de pistaches ou de noix, délicatement parfumés à l’eau de fleur d’oranger. Leurs formes sculptées à la main rappellent que chaque famille a ses secrets, ses gestes transmis de génération en génération.
Les familles se réunissent autour d’un grand repas, dans la joie retrouvée, dans la lumière de la foi.
Les chants sacrés : la bande-son de la Semaine Sainte
Il n’y a pas de Semaine Sainte sans les chants. Ces mélodies traditionnelles, que l’on connaît par cœur dès l’enfance, accompagnent chaque moment fort de la semaine, éveillant à chaque fois une émotion différente.
Merci Marie pour ce très bel article plein de nostalgie et d'informations précieuses pour notre foi ou notre culture générale. Merci pour les chants aussi !